Courir (ou pédaler) après son rêve

J’ai mis un peu de temps pour vous écrire la suite de mon aventure.
Il n’y a q’une raison : j’ai beaucoup souffert. Physiquement et mentalement. Dans les montagnes. Ça a été beaucoup plus dur que ce que je pouvais imaginer.

Avant de commencer à tout vous raconter, il faut que je vous dise un petit secret. Je suis têtue. Quand j’ai décidé de faire quelque chose, je le fais. Même si je sais que peut-être c’est trop pour moi.
Mon corps est solide. Mais pas endurant, ni très puissant, ni très rapide. Ça a toujours été ma tête mon point fort. Je suis asthmatique. Avant mon départ, le pneumologue m’a dit que j’ai 56 ans en âge de poumon. Au lieu de m’arrêter, cette nouvelle m’a motivée à partir. Je ne vais pas faire ce voyage quand j’aurai 56 ans, mes poumons auront alors plus de 100 ans. Il fallait que je le fasse maintenant.
Toute petite déjà, au cross de l’école, j’arrivais dernière. Mais pas dernière après les autres, dernière 10 minutes après tout le monde. C’est comme ça, je le sais. J’aurai beau m’entraîner 2 fois plus que les autres, je serai toujours 2 fois plus lente/essoufflée/fatiguée. Je l’accepte mais je ne veux pas que cela m’arrête.
Mon rêve, c’est de parcourir la Pamir Highway à vélo. C’est la deuxième route la plus
haute du monde. Je m’approche doucement de ce rêve. Il va se réaliser.

Voici mon histoire :

Je vous ai quittés à Aktau, au Kazakhstan. Je suis maintenant à Osh au Kirghistan.
Arrivée à Aktau au Kazakhstan, je n’attendais rien en particulier.
Je savais que j’allais prendre un train pour l’Ouzbékistan, où je devais retrouver Birgit pour reprendre la route avec elle vers le Tadjikistan et la fameuse Pamir Highway.

En fait, je m’attends à retrouver l’Iran. Le fait de prendre l’avion est un peu perturbant car je n’ai pas ce changement en douceur qu’apporte le voyage à vélo. Là, en quelques heures, je rejoins un nouveau pays et une nouvelle culture. Et le Kazakhstan est TRÈS différent de l’Iran.

J’arrive donc à Aktau en avion, il est presque 1H du matin. J’ai réservé une chambre dans une auberge de jeunesse et je compte m’y rendre en taxi.
A peine sortie de l’aéroport, je sens le changement d’atmosphère. Les gens sont très souriants, ils plaisantent déjà avec moi, je sens que je vais me plaire ici.
Lorsque j’arrive à l’auberge, la réceptionniste me dit que ce n’est pas le bon endroit, mon auberge est à 200 mètres de là. Mais avec mon vélo dans la boite et mes bagages, c’est impossible de les parcourir. Aussitôt, les agents de sécurité me proposent de les porter pour moi jusqu’à ma destination. Ça continue à être cool.

J’arrive à l’auberge, la réceptionniste ne parle pas anglais mais nous nous comprenons, elle me donne un dortoir pour moi toute seule, je vais me coucher. Je sais qu’Aktau est au bord de la mer Caspienne. Je le sais. Je l’ai vu sur la carte. Et je sais que mon auberge est à 100 mètres de cette mer. JE LE SAIS. Je sais aussi qu’on est le 1 août et qu’en toute logique, ce sont les vacances. JE LE SAIS. Mais quand je me réveille, que je fais mon petit tour des lieux, que je contourne le restaurant de l’auberge, ET QUE JE ME RETROUVE A LA PLAGE! Je suis aux anges. Il y a des bières, je n’ai pas bu de bière depuis plus d’un mois, il y a des pizzas, je n’en ai pas mangé depuis Venise; il y a des femmes qui se baignent en maillot de bain, je n’en ai pas vu depuis la Grèce. Bref, j’ai l’impression d’être un peu en Europe de nouveau, et je n’aurai pas cru cela, mais ça me fait beaucoup de bien.

Je sais que je ne vais pas rester ici pour toujours, il faut que je me rende à la gare pour me renseigner sur ce fameux train qui peu m’emmener en Ouzbékistan. Je vous passe les détails, cela me prends 3 heures pour apprendre que le prochain train est dans 20 minutes et celui d’après dans 2 jours. Ha! Ca m’embête un peu de passer les deux prochains jours avec des gens sympas à me baigner dans une mer magnifique, mais bon, ce sera dans 2 jours!
Je passe le jour suivant à la plage, je vais aussi au centre commercial. AU CENTRE COMMERCIAL. Je fais toutes les boutiques. Moi qui ne suis pas une fan de shopping, je prends mon temps et regarde chaque paire de chaussures, chaque paquet de pâtes. Je meurs d’envie de m’acheter une robe, mais après, il faut la transporter sur mon vélo, trop de poids inutile, pas de robe!

Le lendemain matin, je me rends à la gare pour prendre le train qui dois m’amener à
Noukous, en Ouzbekistan, à 900 km de là.

PARIS – MARSEILLE – 800 km : 3h de train
AKTAU – NOUKOUS – 900 km : 25h de train
C’est parti.

Le trajet en train est top! C’est un train-couchettes, je partage mon « compartiment » avec une dame, sa fille et sa petite fille, je me fais des copines, j’ai l’impression d’être
dans le Darjeling express. A chaque arrêt, des enfants et des femmes montent nous vendre de l’eau, de la nourriture, des bijoux, des vêtements.
Nous passons la frontière Ouzbek en pleine nuit, je sais qu’il y a une chance sur 2 pour que les militaires fouillent toutes mes sacoches. Gagné! Je suis la seule étrangère à bord du train. Le militaire s’approche de moi, il me dit « Sorry Madam, we have to search your bags ». J’ai 5 sacoches et un grand sac. Remplis de choses inintéressantes pour vous et moi. Il y a ma cuisine, ma chambre, ma salle de bain, mon dressing et mon atelier de réparation. Pour eux, c’est fascinant. A chaque fois que je sors quelque chose, ils sont épatés : un réchaud : « wouhaaaa! ». Du coup, ça prend du temps. Au bout d’un moment, ils en ont quand même marre et laissent tomber la partie dressing et salle de bain. Je n’avais pas spécialement envie de sortir mes petites culottes.

J’arrive à Noukous vers 18h le lendemain. Je fais une vingtaine de km, je plante ma tente dans le désert et je dors. J’avais un peu peur de la chaleur mais finalement ça va!
Le jour se lève et je repars, j’essaie de ne pas traîner, Birgit sera bientôt à Boukhara et c’est à 500km. Je me lève avec le soleil. Je commence à pédaler, c’est bizarre, je n’ai
toujours pas trop chaud. Il est 6h30 quand je pars. A 10h pétantes, je comprends ce que disaient les autres cyclistes. Le désert. Il fait chaud, ça y est. plus de 40°. C’est dur.
J’avance, j’avance, j’achète de l’eau. Je m’arrête vers 11h00. J’essaie d’ouvrir ma bouteille d’eau. C’est dur. JE sais comment faire, je vais l’ouvrir avec mes dents. Je l’ouvre. Je pense :
« Tiens, c’est bizarre, j’ai un caillou dans la bouche. Ha bah oui c’est normal j’avais posé ma bouteille par terre! »
« Tiens, c’est bizarre, c’est tranchant au niveau de cette dent! »
« Il me manque un morceau de dent »
« Il me manque un morceau de dent !!!! »
« Est-ce que j’ai mal? »
« Un peu, mais ça va aller, repars maitenant! »

Je repars, la douleur se réveille (évidemment). Je décide de m’arrêter pour le déjeuner dans un petit restaurant au bord de la route. La douleur est là. Les dames sur place prennent soin de moi. Elle me donnent des cachets, je mange, les gens passent, les heures aussi. En plus d’être un restaurant, c’est aussi une station d’essence clandestine. J’observe ébahie le défilé des camion qui viennent vendre l’essence et des voitures qui viennent remplir leur réservoir.

Je ne me sens pas de repartir pour 500km sans ma dent et avec cette douleur. Je leur dit que je vais faire du stop. Elles essaient de me trouver une voiture, impossible. Jusqu’au moment où arrive un guide touristique qui parle un français impeccable (deux pécables). Le bonheur, et la surprise. Je lui explique la situation. Il me dit que le plus simple est de retourner sur mes pas, vers Noukous, et de prendre un bus pour Boukhara où je trouverai un dentiste. Je n’aime pas retourner sur mes pas. Mais je décide de l’écouter. Je retourne donc avec lui et sa fille de 10 ans vers Noukous, j’y passe la nuit, et je repars le lendemain matin vers la station de bus.
J’ai toujours ces réflexes français, je calcule les temps de trajets comme je le ferai pour un Paris-Nantes, par exemple. Un peu plus de 500km, il est 9h, j’y serai vers 14h. On m’annonce que le bus est à midi. Pas de problème, je devrais y être vers 20h.

Je monte dans le bus, je suis encore la seule touriste, ce qui implique environ 38 selfies, 27 fois on me demande où est mon mari et on me fait 5000 sourires.

J’arrive finalement à Boukhara, il est 1h du matin, je file vers l’auberge où Birgit m’a
réservé un lit. On se retrouve, on se raconte nos péripétie.

C’est ici que commence la « réunification ».

A partir de maintenant, tous les cyclo-voyageurs venus d’Europe et se dirigeants vers le Tadjikistan (ou venant de Chine et rentrant en Europe) se rencontrent.
Dans cette auberge, je rencontre donc Marc de Suisse, Bas de Hollande, Daniel, Tobias et Lars d’Allemagne.
Je fais soigner ma dent, cela prend 3 jours, j’en profite pour visiter la ville qui est magnifique. Mais honnêtement, je fais ma difficile, je sais, mais j’ai vu assez de mosquée, de turquoise, et de Caravansarai. C’est magnifique, je sais que j’ai une chance extraordinaire de voir tout cela. Mais j’ai envie des montagnes, de la nature. J’ai hâte de repartir (sur mon vélo!!) et d’aller au Tadjikistan.

Nous repartons donc avec Birgit. Direction Douchanbé, capitale (et seule ville, je le
découvrirai plus tard) du Tadjikistan. Birgit adore l’Ouzbekistan, elle y est arrivée une semaine avant moi et elle ne s’en lasse pas. J’ai hâte aussi de découvrir ce pays.

Nous pédalons la première journée environ 60km. Il y a des vendeurs de melons partout au bord de la route. Nous nous arrêtons de temps en temps pour en acheter un. Quand nous n’en trouvons pas, nous arrêtons un camion qui en transporte et nous lui en achetons. Nous finissons par nous arrêter une dernière fois vers 18h. Melon time. Nous voyons qu’il y a un espace derrière le marchand en contre bas. Nous leurs demandons si nous pouvons dormir là, ils nous disent ok sans hésiter. Eux aussi dorment là et vendent leurs melons toute la nuit, c’est assez surprenant.

Nous repartons le lendemain, nous allons à Karchi, qui est à 110 km de là. Notre moyenne quotidienne ne cesse d’augmenter. Nous atteignons notre destination à 16H. Trop facile!
Nous dormons à l’hôtel. En effet, en Ouzbékistan, nous « devons » dormir à l’hôtel toutes les 3 nuits maximum, sinon nous risquons une amende. Nous allons au restaurant, dînons pour 3€ chacune et dormons comme des bébés.

Avec Birgit, ce qui est cool, c’est que nous avons à peu près la même idée de ce voyage.
Certains cyclistes ne passent pas une journée sans faire au moins 100km et ne prennent pas de repos. D’autres dorment tous les soirs à l’hôtel, d’autres sont partis d’Europe il y a plus d’un an et prennent leur temps. Nous, ce qu’on aime, c’est profiter. Profiter des lieux, des gens, des invitations. Si nous voyons un endroit accueillant, nous nous arrêtons ; si quelqu’un nous appelle en criant « Chaï! Chaï! », nous nous arrêtons ; si nous n’aimons pas un endroit, nous partons. Simple et efficace.

Birgit a déjà fait cette route dans l’autre sens. Elle y a vécu des choses sympas. Elle me dit qu’à Guzar, qui est à un peu plus de 50km, elle a dormi dans un stade de foot et que le type lui a dit de revenir quand elle voulait. Très bien, allons à Guzar! Ce sera une petite journée.

Lorsque nous arrivons, je ne m’attendais pas du tout à cela. En fait c’est un vrai grand stade de foot. C’est le stade de l’équipe de la ville, qui joue dans le championnat national.
A notre arrivée, le stade est encerclé de militaires. Nous ne pouvons pas entrer. Nous
essayons de nous faire comprendre. On nous demande d’attendre. Nous attendons. On nous emmène à une autre entrée. Nous attendons encore. Enfin, arrive l’ami de Birgit, qui nous explique qu’il y a un match ce soir entre Guzar et Douchanbé. Nous pouvons dormir ici mais nous devons attendre que le match soit terminé et que les joueurs aient quitté la chambre.
Nous pouvons évidemment prendre une douche et nous changer en attendant, ce que nous faisons.
J’en profite pour demander s’il est toujours possible d’acheter des billets pour le match. Le monsieur me dit qu’on peut venir y assister sans billets. Yes!
J’assiste donc à mon premier match de foot, dans la tribune réservée au fanclub du FK Shurtan Guzar. A chanter, danser, et profiter de la soirée!
L’équipe locale gagne 1-0. Le stade est évacué par les militaires, ça ne bronche pas.

Nous repartons le lendemain et les 2 jours qui suivent passent dans la douceur. Nous
avançons vers la frontière, nous arrivons sur la fameuse M41, qui est le nom officiel de la Pamir Highway, cette route dont je rêve tant. Nous passons notre premier « check-point », qui ponctueront notre passage sur cette route. Les militaires prennent nos noms et numéros de passeport. Nous demandons le soir si nous pouvons planter nos tentes chez des gens, qui nous accueillent à bras ouverts et nous offre de dormir dans leurs jardins, sur leur « lit d’été », tradition que je vais ramener avec moi en France, car c’est tout simplement génial.
Tout cela dure jusqu’à la frontière Tadjik.

Nous passons la frontière le troisième soir, vers 18h. Avec un nouveau contrôle des sacs par les militaires. Cette fois, ils décident de contrôler également nos téléphones et appareils photo :
« Can I see your pictures? »
« Yes of course »
« Do you have porn? you know porn is forbidden is Ouzbekistan? »
Ce que j’ai envie de répondre : « Yes, but I’m leaving Ouzbekistan, sooo? »
Ce que je réponds : « No, I don’t have porn. »

Un militaire regarde mes photos, j’en ai quelques-une d’avant le départ. « Is that you? You’re beautiful! ». Me : « Yes thanks, that’s when I was taking showers ».

Nous continuons, nous entrons au Tadjikistan. Premier contrôle : un coup de tampon.
Deuxième contrôle : « You’re beautiful beautiful, Good luck ».
On se regarde avec Birgit. C’était facile, non? Allé, on trace, il fait presque nuit! On est au tadjiiiikiiiistannn!!! Wouuuhouuu!

Nous rencontrons de nouveau une famille qui nous héberge. L’hospitalité continue! Yes! Nous passons la nuit et le lendemain nous dirigeons vers Douchanbé!

Sur la route, les vendeurs nous offrent au moins 5 kilos de raisin chacune. Les enfants se postent au bord de la route pour nous taper dans les mains, les parents nous posent 1000 questions. Il fait beau, la route est belle, je suis aux anges!

L’adresse qui circule entre les cyclistes est le Green hostel à Douchanbé. Nous nous y
rendons donc.
Nous y passons 2 nuits et y retrouvons : Tim et Andy d’Allemagne et Everhart de Hollande, que j’avais déjà rencontré en Iran, Marc, Bas et Tobias rencontrés à Boukhara, Holy, Conrad et David d’Angleterre avec qui je suis en contacte via Instagram. Et je rencontre pour la première fois Jamie d’Angleterre, Miguel et Carlos d’Espagne, Aminda et Viktor de Suède, Jeff et Katrina de Belgique et un autre couple de vrais suédois : blonds, grands, beaux, propres et jamais fatigués!

La nuit avant de partir de Douchanbé pour entamer les choses sérieuses, je sens que mon ventre fait des trucs bizarres. Je suis malade. C’est connu, tout le monde tombe malade au Tadjikistan. Zéro hygiène, eau potable non potable. Je le savais, il est temps d’y passer.
Ce que je pense à ce moment là c’est que je vais être malade une bonne fois pour toutes, puis mon corps va s’adapter. Ha haaa haa haa (fou rire de l’univers).

Lorsque nous partons de Douchanbé, je me sens clairement faible. Nous repartons à 5 avec Everhard, Jamie, Birgit et Tobias.
Pour arriver à Khorog, prochaine « grande ville » nous avons 2 choix : la route nord ou la route sud. Je ne suis pas trop le truc, mais la décision est prise, nous prenons la route nord car il y aura moins de voitures.
Le premier jour est cool. Nous sortons de la ville, il y a toujours de l’asphalte. Je roule
à mon rythme. Nous finissons pas trouver un endroit pour camper à 5 entre quelques maisons.
Jamie est 7km plus loin que nous car il est plus rapide. Il revient sur ses pas pour dormir avec nous.

Jamie qui a 35 ans est le plus rapide du groupe (sur son vélo). Il ne dort pas dans sa tente. Quand la météo le permet, il dort à la belle étoile, c’est plutôt cool. Il dit qu’il dort « cowboy style ». Par contre il est le plus lent pour remballer ses affaires le matin.
Everhart a 55 ans, c’est le papa du groupe. Il a une chaise pliante. UNE CHAISE!! Il boit son thé le soir, et il attend toujours celui qui est derrière. Il est archéologue comme Indianajones eet il a 2 grandes filles.
Tobias est drôle. Il est parti d’Allemagne il y a 1 an et demi. Il a pris son temps. Je ne sais pas comment c’est arrivé mais il s’avère que Tobias a son visa pour la Chine. Il l’a fait à Hong Kong. Et il est resté 5 mois en Iran. Et il a plein d’histoires à raconter!

Nous repartons le lendemain. Au tour de Birgit d’être malade. Elle ne se sent vraiment pas bien aujourd’hui. Je me sens mieux. Toujours faible. Et je suis toujours malade. Mais ça va mieux.
La route se transforme rapidement en chemin de rochers. Arf, c’est parti pour le « vrai Pamir ». C’est dur, ça monte. premier col. Premières difficultés. Nous avançons tranquillement. Je rejoins Jamie à un certain moment et je lui demande si cela fait longtemps qu’il nous attends. Il me répond une demi heure. Bon, sur une vie, une demi heure c’est pas beaucoup. Mais ça me stresse.
Je me mets la pression. Je ne veux pas que le groupe m’attende. Du coup, je limite les
pauses, je ne prends pas de photos.
Nous nous retrouvons le soir pour camper en face d’un village. Jamie est là quand j’arrive.
Birgit est loin derrière car elle pousse son vélo depuis quelques kilomètres. Everhart est avec elle.
Nous posons nos tentes. Les enfants arrivent. Surtout un, il est un peu simple d’esprit et se plante devant Jamie. Il le regarde pendant une bonne heure. sans bouger, sans cligner des yeux. Jamie cuisine, le petit le regarde. Il va faire nuit, il est temps de dormir.
Nous avons tous planter nos tentes à part Jamie qui dort à la belle étoile. Le garçon continue à le regarder. Je rie discrètement mais Jamie commence à perdre patience. Le garçon se fait plus stupide qu’il ne l’est réellement. Finalement, c’est Everhart qui
réussi à le faire partir. Bonne nuit.

Le jour se lève, il est temps de repartir. Tout le monde est en forme. Continuons à monter!
Il est midi lorsque nous faisons la première pause à coté d’un checkpoint. Nous avons fait presque 60km de montée sous plus de 30°. C’est clairement trop pour moi. J’arrive épuisée. Je n’ai pas envie que ce voyage ce transforme en torture. Depuis la nuit précédente, je suis de nouveau malade. J’ai envie d’y aller doucement et je n’ai pas de contrainte de temps.
Nous repartons après une longue pause. Birgit est partie avant nous. J’avance, j’avance, mais je ne profite pas. C’est la première fois que cela m’arrive. Everhart m’attend. Les autres ne sont pas loin devant. Je fais un peu exprès de prendre mon temps car j’ai envie d’être seule. Mais Everhart ne laisse personne derrière. Il est 16h. Everhart voit un endroit où l’on peut poser nos tentes. les autres sont 5km devant nous mais avec la route qui est faire de graviers et la montée, c’est encore une demi heure. Nous décidons de nous arrêter.
Nous campons tous les deux. Nous n’avons pas assez d’eau, il n’y avait pas de magasin ni de ruisseau sur la route. J’arrête des voitures qui m’en donne un peu.

Le lendemain, j’annonce à Everhart que maintenant j’ai vraiment envie d’être seule. J’en suis sûre. Nous repartons sans eau, nous trouvons un ruisseau mais l’eau n’est pas claire. Je la bois quand même j’ai trop soif. Haaa haa haa haa haa! (encore l’univers).

Nous rejoignons les autres, je leurs dis la même chose. « Partez devant, je vais attendre là quelques temps et je repartirai toute seule. »
Il partent. Je verse ma première petite larme. J’attends une heure et je repars.
Je me rends vite compte que j’ai fait le bon choix. Je suis plus rapide car je m’arrête exactement quand j’en ai besoin. Je prends des photos quand j’en ai envie. Je ne pédale plus tête baissée mais je profite des paysages! Et c’est vraiment beau le Tadjikistan.
J’adore ce moment qui dure quelques jours pendant lequel mon œil n’est pas habitué aux paysages. Tout m’éblouie. Je profite de nouveau de mon voyage.
Je m’arrête pour déjeuner vers 14h. Je cuisine mes nouilles, seule nourriture disponible ici avec en dehors de biscuits et de chocolats.
Je vois 2 vélos arriver. Ma première pensée est : « oh non! ». Je ne les ai jamais vu, ils sont belges. Un couple de 55 ans,  Bars et Ilse, ils passent leurs vacances ici. Ils voyagent pour un mois. Nous discutons un peu et ils repartent. Cool.

Je repars peu après eux, je les rattrape à l’heure de m’arrêter pour camper et j’en profite pour me joindre à eux. Je dois avouer que j’aime mes journées seule. Le soir aussi c’est cool. Mais je dors mieux la nuit lorsque je sais qu’il y a une autre tente plantée pas loin. Nous passons la soirée, ils sont très sympas. Nous mangeons, nous rions, nous nous baignons dans la rivière, et au lit!

Je les laisse partir en premier le lendemain. Je ne pense pas les revoir, mais le Tadjikistan est petit et ils n’y a que 2 routes, alors…
Je me remets en route. Je recroise les Belges à la sortie d’un village. Je dois gonfler mes pneus. Je crois que je suis à plat.

Aparté : A Douchanbé, je suis arrivée avec zéro chambre à air de rechange. Impossible de trouver les chambre à air européennes, avec la petite valve. Le mécanicien me dit que je peux agrandir l’entrée de la chambre à air dans ma roue et mettre les celles avec la grosse valve. Sauf que je n’ai pas la pompe qui va avec. J’ai changé mes chambres à air en me disant que de toute façon je n’allais pas crever. Erreur.

Je cherche une station essence, car je peux y gonfler mes nouvelles chambres. Je ne trouve pas. J’entre dans un magasin, il s’avère qu’il a une pompe. 1€. J’achète.

J’essaie de gonfler le tout, je n’y arrive toujours pas. Je dégonfle tout, je décide de reprendre ma vieille chambre pour faire simple. Un enfant me demande s’il peut avoir la nouvelle, je la lui donne. Je repars.
Sauf qu’une petite valve se casse dans un grand trou. J’utilise 2 chambres, rien à faire. J’utilise la dernière qu’il me reste, ça à l’air d’aller. Il est l’heure de dormir. J’ai monté environ 5 km d’un col qui en compte 22. Je vais me coucher en me disant que le lendemain je me lèverai tôt et que j’arriverai au somment pour déjeuner avec les autres qui ne sont que 7km devant moi.

En me levant à 5H, je range tout, je prends un rapide petit déjeuner, je sors de ma cachette sans même penser à mes pneus. Je finis par checker quand-même au moment de partir. C’est PLAT. Je suis à plat. Je me faisait une telle joie de monter ce col. Je n’essaie pas de vérifier la chambre, c’est peine perdu, elle est probablement encore cassée. Je me rappelle des questions que l’on me posait avant mon départ. « Comment tu  fera si tu pètes une gente au milieu de nul part? ». Je ferai du stop! J’ai juste crevé, et je dois faire du stop. C’est la vie!Je vais faire du stop jusqu’à Qalai Khumb, à une quarantaine de km et je trouverai de quoi changer tout cela. Je me mets au bord de la route. Je ne m’assoie pas, une voiture va passer. J’attends, une heure, deux heures, trois heures. Pas de voitures. Rien, personne. Arrive ce moment, vers 10h, je n’ai vu personne depuis la veille, où je me demande si j’existe. Peut-être que j’ai été transportée dans une dimension parallèle dans laquelle il n’y a pas de voitures?

Finalement, une berger sur son âne arrive. Il passe devant moi 3 fois avant de me poser la fameuse question « ATKOUDA? » = cette question, qui veut dire en russe « de quelle origine es tu? » est posée par chaque personne que je croise depuis l’Ouzbékistan. Elle se pose uniquement en criant apparemment. Je lui répond, il repars. Ouf, j’ai été transportée dans une dimension où il y a encore des ânes.

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Je prends mon mal en patience. Je vois deux vélos arriver. Ce sont Katrina et Jeff! Ils
prennent leur temps. On discute quelques minutes, c’est le couple le plus doux que j’ai rencontré. Ils sont désolées de ne pas pouvoir m’aider. Je leur dis que c’est le destin, et que de toute façon j’ai le temps.

Je sais une chose. Il y a le Mongol Rallye en ce moment. Nous croisons ces voitures depuis l’Ouzbékistan. Des jeunes (moins de 25 ans pour la plupart), dans des voitures pourries (moins de 500€ pour la plupart) recouvertes de stickers, qui voyagent avec très peu de budget et passent leurs soirées dans les auberges de jeunesse à faire la fête (la grosse fête). Ils sont partis d’Angleterre et vont jusqu’en Mongolie, probablement pour une bonne cause.
Ils sont déjà presque tous passés mais j’ai bon espoir qu’il y ait un petit dernier, les
loosers du truc qui arriveraient dans le coin après tout le monde.
J’ai raison. Il est 13h quand je vois un Opel Corsa pleine de stickers et avec une tête de taureau sur le pare choc arriver. Je fais signe, ils s’arrêtent. Ils sont 3, sont originaires d’Ecosse. La voiture est pleine et la voiture est petite.
Je tente ma chance et leur demande s’ils auraient une petite place pour mon vélo et moi-même dans leur voiture. Ils me répondent simplement que bien sûr ils vont me faire une place. Je suis subjuguée. Et je suis heureuse.

Je repars donc avec eux, nous montons le col, nous nous arrêtons pour prendre des photos.
Ca change complètement la perspective et je dois avouer que je trouve cela plutôt agréable.
Je passe devant Jeff et Katrina qui viennent d’atteindre le sommet. J’aperçoie au loin
Tobias, Everhart et le couple belge avec qui j’ai campé.

La voiture est pourrie. Ils me disent fièrement qu’ils l’ont payé 300£. Cool les gars!
Bon après la montée, il faut redescendre. Et ça descend sec, sur des graviers. Les jeunes conduisent un peu comme des tarés. Je suis habituée maintenant après la Turquie, l’Iran et l’Ouzbékistan. Je les laisse faire et je profite de la vue.
A un certain point, je les entends parler des freins. En fait, ils sont entrain de dire qu’ils n’y a presque plus de freins. Le moindre faux pas et nous nous retrouvons 300 mètres plus bas. Je ne fais plus trop la maligne. Nous allons si doucement que Tobias et Everhart finissent par nous rattraper et nous doubler. Quand nous arrivons enfin en bas du col, je respire de nouveau. Tout va bien. Nouveau Checkpoint, cette fois on nous dit : « Welcome to the Pamir ». C’est l’entrée officielle. Je suis un peu déçue d’y arriver en voiture mais je suis heureuse d’être là.
Nous entrons à Qalai Khumb. Je rejoins les autres cyclistes dans une maison d’hôtes à 8€ la nuit avec dîner et petit dej. Je dors. Je dors. Je dors 12h. Je ne m’étais pas rendue compte que j’étais si fatiguée.
Le jour se lève et je pars à la recherche de chambres à air. Il n’y en a pas. Je suis encore coincée.

Je vais devoir prendre une voiture (encore) et ça me rend triste. Les types du Mongol
rallye sont déjà partis. Je trouve une autre voiture. Je me rends à Khorog, la prochaine ville. En route je recroise les Belges avec qui j’avais campé. Ils sont en camion. Il en ont eu marre car la route est assez dure.

L’auberge que l’on me conseille à Khorog est le Pamir Lodge.
J’y arrive en voiture. Quelques cyclistes sont déjà là. Je retrouve Lars et je rencontre Martin, d’Allemagne aussi. Et petit à petit, c’est le défilé des cyclistes. Birgit, Jamie, Everhart et Tobias qui arrivent en voiture aussi car ils ont été malades, Marc, Daniel,
Jaillen et William qui sont d’Aruba, Bas, je rencontre Andréa qui arrive de Chine et qui rentre en France. Elle me donne beaucoup de conseils sur la route à suivre, l’altitude, les vivres à amener.
L’ambiance est chouette, nous rions beaucoup, les autres cyclistes ont chacun des personnalités très différentes et tout cela donne un petit groupe très cool!

Une journée est dédiée au shopping. Je trouve mes chambres à air, je fais le plein de nourriture pour au moins 4 jours, afin d’avoir des réserves. Il n’y a pas beaucoup de villages ni de magasin sur la route.

Je tombe de nouveau malade et passe mes nuits aux toilettes. C’est de pire en pire. Je prends les cachets que j’ai emmener avec moi. Les symptômes passent mais dès que j’arrête, ça recommence. Je perds du poids. Je sens que mes vêtements sont trop larges.

Je décide de partir avant les autres, car j’ai envie de continuer seule sur la Pamir Highway. Je veux faire face seule à ces montagnes. C’est mon challenge. Je veux le vivre pour moi.
Je sais qu’ils vont partir petit à petit après moi et c’est plutôt rassurant de les savoir tous dans le coin.

A ce point, j’ai deux options :
– Ma première idée était de prendre la route de la Wakhan valley. Mais tous les cyclistes qui en arrivent sont épuisés, nous disent que c’est parfois du sable et qu’il faut pousser le vélo pendant de longues périodes. J’en ai eu un goût en prenant la route nord après Douchanbé, je me sens faible et je ne suis plus très sure de vouloir refaire cela.
– Je décide donc de continuer sur la Parmir highway, qui n’a presque pas de gravier, et qui semble « plus facile ».

Je monte donc sur mon vélo!
Il est 16h quand je quitte le Pamir Lodge, je fais un câlin à chacun (oui oui, je vous jure!). Je sors de la ville et j’attends le prochain checkpoint. Je commence à avoir l’habitude. Je sors mon passeport. Le type me dit d’entrer et de m’asseoir. Étrange. Il me fait comprendre que comme je n’ai pas mon casque (désolée maman), je dois payer 30 somonis (environ 3 euros).
C’est un pot de vin pour passer, on m’avait prévenu que ça arriverait et que je pourrai sortir une arme secrète. J’essaie la blague « ha ha ha, t’es drôle toi! », ça ne marche pas. J’essaie de m’énerver « je m’en fous mon pote je ne paye pas et je ne bouge pas de là. Je dors là s’il faut » ça ne marche toujours pas. Je sors l’arme secrète. Les fausses larmes, appuyées d’un : « Tadjikistan very bad! », et ça marche. En 10 secondes, j’ai récupéré mon passeport, j’ai récupérer de la nourriture, il m’offre à boire. Je peux repartir.

Je fais environ 20km et je m’arrête en face d’une maison pour camper. Je demande à une jeune fille qui habite en face si je peux dormir là, sa mère sort de la maison, elles me font signe de m’approcher puis m’invitent à dormir chez elles. Je leur dit que je peux dormir dehors mais elles insistent pour que j’entre. Je rencontre la grand-mère, le grand-père, la tante et 3 autres enfants, je ne sais pas lequel est à qui. C’est quelque chose que j’aime dans ces pays. On prend soin des enfants. C’est tout.
Ils ont une grande maison, comme tout le monde, et n’utilisent qu’une pièce, comme tout le monde. Cela devient normal pour moi. on mange part terre sur une nappe en plastique, on débarrasse, et on sort les « lits », qui sont de fins matelas pliés dans un coin de la pièce. Tout le monde dort là. Grands-parents, parents et enfants.
Les papas ne sont pas là car ils sont allés travailler à Moscou.
Les mêmes questions reviennent : Adkouda? tu es seule ? tu vas où? On pourra venir te voir en France?
La grand mère a peur pour moi, il va faire froid là-haut. Elle m’offre une paire de chaussettes qu’elle a tricoté.
Nous dînons du Chirchai, également appelé Pamir Chai, le thé du Pamir. Ils me regardent tous en attendant mon verdict.

LA RECETTE : C’est du thé, mélangé avec du lait de yak, le tout très salé, tu prends un gros morceau de beurre que tu mets dedans et tu ajoutes du pain rassis.

Franchement, je suis désolée, mais c’est dégueulasse.
Je leur dis que c’est délicieux.

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On se réveille le lendemain, la maman va travailler.

Je continue ma route. Je n’avance pas très vite mais c’est agréable. Les paysages sont magnifiques. J’adore la montagne, cette petite rivière, c’est vraiment beau.

Ça monte doucement. Je fais une pause vers 10h30. Je me fais un café. Un vieux monsieur arrive vers 11h et me propose un thé. J’accepte et rencontre de nouveau toute la famille. Nous buvons du thé, une jeune femme de 27 ans arrive. Elle vit à Douchanbé mais elle est là pour les vacances. Je suis curieuse, je peux enfin essayer de comprendre 2/3 trucs. Est-ce que je peux boire de l’eau du ruisseau? Pourquoi c’est si important d’être mariée? Toi tu es mariée ? Est ce que les gens sont aussi malade que moi?
Les réponses sont tristes. On se marie par habitude, elle n’est pas mariée et a décidé de vivre à la capitale. Tout le monde est malade ici.
Je me rendrai compte en poursuivant mon chemin que la mortalité infantile est très élevée et les gens ne dépassent pas souvent les 50 ans.
Ils me proposent de faire une sieste avant de repartir. Je m’allonge. Quand je me réveille il est 14h, je repars. Le monsieur à qui appartient la maison m’ordonne de m’asseoir et de manger. Sa femme arrive. Chirchai. Merci. Ils me regardent, attendent mon verdict. C’est délicieux les gars, bravo! Et c’est une française qui vous parle. Nan vraiment, une tuerie.
Ils sont ravis.

Je m’arrête de nouveau vers 16h30 pour faire une pause. Evidemment, je vois 2 vélos
arriver! Ce sont Miguel et Carlos, le couple espagnol. On papote un peu, ils repartent. Je les retrouve pour camper. Nous passons une bonne soirée, ils me font à manger, nous papotons de tout et de rien et nous dormons.
Ils mettent un peu de temps à se préparer le lendemain. Même technique, j’attends qu’ils partent devant pour démarrer. Ils me disent qu’ils veulent se rendre à Jelondy où il y a des sources chaudes. Andrea m’en avait parlé et elle m’a dit que c’était top!
Je leur dit que j’irai aussi. J’essaie de ne pas y arriver trop tard car je veux profiter des sources. Il y a 65km, c’est facile maintenant normalement, sauf que ça monte.
Je passe les 3500m. J’arrive à 16H. C’est parfait. Je vois les garçons, on se donne rdv pour dîner au restaurant de l’hôtel. Je demande le prix. 4€ la nuits avec accès aux bains, 1,5€ le dîner. Je dois partager ma chambre mais cela ne me dérange plus.
J’enfile mon maillot de bain et je file dans les bains réservés aux femmes. Je ne me regarde plus dans le miroir, car je ne croise plus de miroirs depuis quelques temps. Je me mets en pyjamas quand je suis dans ma tente, du coup je n’ai aucune idée de ce à quoi je ressemble.
Une fois en maillot de bain, je ne reconnais pas mes jambes, je me tourne, j’essaie de
regarder mon dos, tout ça, cela ne m’appartient pas. Je suis un peu choquée. Mais je
profite de l’eau qui est à 40°. J’ai l’endroit pour moi toute seule. J’adore !

Après le dîner, je file me coucher! demain m’attend mon premier col à plus de 4000 mètres.
Je partage la chambre avec une dame qui a eu 9 enfants et sa dernière fille. La maman est malade et pense que le bain chaud va miraculeusement la guérir. Bon. Pourquoi pas.
Elle ronfle si fort. Je pensai que le bruit ne me dérangeait plus. Mais là, impossible de dormir.
Je repars le matin vers 10h, mais après une nuit blanche, je ne peux pas avancer. Je m’arrête à midi, j’essaie de dormir. Je n’y arrive pas. Je repars, j’avance vers le col. Il est 15h quand il me reste 10 km à faire mais je décide de m’arrêter. Je suis fatiguée. Je prends mon temps, je pose ma tente, je dîne et je me couche avec le soleil, vers 19H30. Il commence à faire froid. Je dors avec mon manteau. Je ne dors encore pas bien, je suis de nouveau malade. Et je suis seule. Du coup je dors d’une oreille. Je me réveille vers 8h.
Je me prépare et je décolle vers 9h. Je serai en haut avant midi, c’est parfait (l’univers se poile, encore).
Je fais les 5 premiers kilomètres sans problème. Mais plus je monte, plus je souffre. Mes jambes sont tremblantes, ma tête tourne, j’ai envie de vomir. Est-ce que ça serait
l’altitude? Peut-être. Sûrement. Mais j’ai besoin de faire ça. J’ai besoin d’avancer. Je veux monter ce putain de col. La route se transforme en gravier, et devient très raide. Ok, je pousse mon vélo. Quand je m’allonge, je vais bien. Mais dès que je me lève, j’ai l’impression que je vais m’évanouir. J’écoute de la musique, Queen – don’t stop me now – j’essaie de pense à autre chose. Je pense à mes neveux, à ma famille. Je me dis qu’il seront fiers de moi. Le dernier kilomètre est flou. Je me rappelle que j’avance, pas après pas, chaque pas me rapproche du sommet. Il est 14h quand je l’atteins. J’ai mis 4h pour faire ces 4km. Je pleure, je crie, je chante, je danse, je ne me rappelle plus, mais je suis contente.
Mon cerveau ne répond plus. Il faut que je redescende vite.
Je fais une vingtaine de kilomètres de plus je tombe sur un ruisseau. J’ai besoin d’eau. Je me sers. J’entends un voix au loin, une dame, elle me propose un thé. C’est la seule maison avant 60 km. Je sais qu’elle va me demander de l’argent mais la tentation est trop forte.
J’ai envie de dormir au chaud ce soir. Je la suis. Nous dînons, Je lui demande où sont les toilettes, elle me répond « ici » :

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Je ne dors encore pas bien car comme c’est la seule maison, beaucoup de gens arrivent en plein milieu de la nuits pour prendre quelques heures de sommeil.
Je lui donne 5€ et je repars.
Je repars toujours fatiguée. Il y a une montée de 8 km qui m’attend. J’y vais tranquillement mais je dois encore pousser mon vélo quand j’arrive en haut. Croyez-moi, pousser un vélo de 20kg plus 35 kilos de bagages sur une côte à plus de 8%, c’est de l’exercice. Je vois de gros nuages arriver derrière moi. Le temps tourne. Je n’y connais pas grand-chose en montagne mais je sais que quand le temps tourne il tourne vite, et c’est violent. L’orage arrive. Il se met à neiger, la température baisse, le vent est glacé. Je regrette de ne pas être montée dans un des camions qui m’a proposé de m’emmener à la prochaine ville!

IMG_20170903_102322.jpgJe ne sais pas quoi faire. Est-ce que je dois avancer, attendre et planter ma tente, ou attendre une voiture? Je mets mes vêtements d’hiver. Maintenant je sais pourquoi je me balade avec des moufles de ski. Je décide d’avancer, ça descend maintenant jusqu’à la ville. Je croise une voiture qui va dans la direction opposée, je fais des signes qui veulent dire « est-ce que la tempête continue dans cette direction? ». le type me regarde comme si j’étais folle. Je fais des signes. Il me prend pour une tarée. Il fini par dire :

« do you speak english? » j’ai l’air d’une folle. Il neige juste 5km de plus. Ouf!
Je continue à fond à fond à fond! J’arrive à la fin de la tempête. Je m’arrête pour manger un chocolat gelé. Je ris ! je ris fort. Je m’en fous, je suis toute seule avec les marmottes. Il y en a plein. Elles ont un regard suspect.

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Evidemment les camions recommencent à passer maintenant. Merci univers. Bon, continuons.

Je me souviens que je m’éclate sur la route qui suit. Je me discipline. Je passe une heure sur mon vélo dans descendre de la selle. Je prends une pause de 10 minutes. Je remonte, et je recommence, une heure sur le vélo, etc…

J’arrive à la prochaine ville assez tôt. c’est Alichur. Et ce n’est pas une ville mais un village. Je croise une suisse dans la « rue », je lui demande si elle dort là, elle m’indique l’endroit, j’y vais, je demande une chambre pour moi toute seule et un dîner. Des patates. Je dors comme un bébé. Il n’y a pas de chauffage mais la maison reste relativement chaude. Il n’y a pas d’eau courante non plus.
Je vais faire quelques courses avant de repartir. Le seule magasin de la ville offre 3 choix de pâtes, des snickers, du Fanta et des bonbons. C’est tout. Comme tous les magasins après Douchanbé. Ils sont vides.
Alichur marque le début du plateau. Je me rappelle qu’Andréa m’en a parlé mais je ne sais plus très bien.
Le plateau, c’est comme une plaine, sauf que c’est à plus de 3500 m. Il y a des yourtes, des  yaks, et c’est entouré de montagnes, c’est époustouflant.

Je prévois de rouler une soixantaine de kilomètres. La route monte en faux plat jusqu’à un autre col, Le Bazardara Pass, qui n’est pas vraiment un col, puis redescend jusqu’à Murghab, la prochaine ville qui est à 107km.
J’avance tranquillement jusqu’au col, je profite de la vue. Je fais mes pauses régulières. Je suis lente mais tout se passe bien. Je n’ai toujours pas très faim, du coup je ne mange pas trop la journée. J’avale quelques biscuits de temps en temps. Lorsque j’ai fait les 55km jusqu’en haut, qui est en fait la fin du plateau, je m’octroie une autre pause. Il est environ 15H. Ce que j’adore faire c’est m’allonger au milieu de la route et manger un biscuit. Je suis seule au monde. Je fais ce que je veux.
Je m’allonge donc, je prévois 10 minutes, comme d’hab. J’entends des voix. Hein? J’ai des hallucinations? Je ne serai pas la seule personne dans le coin? Si j’entends des voix, c’est soit que je devient vraiment folle, soit qu’il y a quelqu’un à pied ou à vélo. Je lève la tête, je regarde à droite, rien. A gauche, Trois vélos! Ce sont Holly, Conrad et David. Ils ont quitté Khorog un jour après moi et me rattrapent!
Je suis contente de les voir. Je leur fais un calin chacun. On prend des nouvelles « vous avez croisé qui? Moi j’ai vu untel et unetelle. Tout ça tout ça »
A peine 5 minutes après leur arrivée, 4 mini-vans arrivent. Plein de touristes chinois. Wow.
Les portent s’ouvrent, déversent un flot de touristes armés de gros appareils photos. Ils sont d’origine chinoise mais vivent à Vancouver. Ils prennent des photos du paysages, nous mitraillent de questions, nous prennent en photo aussi, remontent dans leurs vans et repartent. Le plateau est de nouveau vide et calme. On se regarde avec les autres et on se demande si c’est vraiment arrivé.

Nosu reprenons où nous en étions. Je leur demande quel est leur plan. Ils vont rouler
jusqu’à 16h et camper. Je leur demande si je peux me joindre à eux et je les suis!
Nous trouvons un endroit à l’abris du vent. Il est 16h30, il fait déjà froid. On ajoute des couches. Holly cuisine ce soir. Riz avec œufs et quelques légumes. Il y en a assez pour 4, je fournis le dessert sous forme de snickers et de kitkat.
Pour une raison qui nous est inconnue, le riz met 45 minutes à cuire. Nous dînons rapidement, nous avons envie d’être vite au chaud dans nos duvets.
Il est 18h30 quand nous finissons de nous préparer à nous coucher. C’est déjà trop tard. Il fait vraiment froid. J’ai déjà froid. Impossible de se réchauffer dans la tente, la température passe au négatif. Mon duvet devrait suffire, mais non. Je ne dors pas. Je sors de ma tente j’observe la voie lactée pendant quelques minutes. C’est magnifique. Autant profiter de la vue.
Je pense à ces petites chaufferettes que tout le monde avait il y a quelques temps. J’aimerai en avoir maintenant. Je sors mes moufles de mon sac, je les enfile. Mes t-shirts mérinos, ma chemise, mon pull, ma doudoune, mon manteau de ski, mes chaussettes. Je mets tout. J’ai toujours froid.

Quand le jour se lève, nous nous regardons tous les quatre. L’eau dans nos bouteilles est gelée. Personne n’ose rien dire, on est forts. On ne va pas commencer à avouer qu’on s’est gelés toute la nuit. C’est Holly qui commence : « tu as pu dormir? »
Je lui répond :  » non, j’avais trop froid »
Holly : « pareil »
Conrad? : « pareil »
David? : « pareil »

Bon. Il nous reste une quarantaine de km jusqu’à Murghab et une bonne douche chaude. Les 3 mousquetaires partent avant moi. Je range mes affaires et je les suis. Ça descend presque tout le temps. 2 petites montées mais bien raides. Ça va aller vite. Je prends un petit dej, une fois n’est pas coutume. et je me prépare.

J’ai encore un peu mal au ventre depuis que je me suis réveillée. Je monte sur mon vélo et je déscends à toute vitesse ! Wouhouuuu!
Puis je m’arrête. Je vomie.
Je repars. Je m’arrête. Je re-vomie.
Je repars. Je m’arrête. Je re-revomie.

Il me reste 20km à faire. Heureusement que ça déscend. Quand ça monte, je pousse mon vélo.
Je souffre vraiment cette fois. Mon ventre me fait souffrir. Il est 15h quand j’atteins Murghab. Cool. Je vais pouvoir aller retirer des sous car je n’ai plus grand chose. JE vais au Pamir Hotel où les autres cyclistes sont là. Je retrouve les 3 mousquetaires et Aminda et Viktor. Je leur explique la situation. Aminda me demande depuis quand je suis malade. Je lui explique qu’en fait, je suis malade depuis Douchanbé. Je prends la mesure que je suis malade depuis presque 3 semaines. Pas étonnant que je me sente si faible.
Les jours sont passés de façon très étrange. Je ne sais pas trop comment tout cela est arrivé. J’avais juste envie de continuer. Mais j’ai besoin de prendre soin de moi. Je fini par prendre des antibiotiques. Je me repose.
Birgit et Tobias arrivent le même soir. Je vois le regard de Birgit et je me dis que je
dois vraiment ressembler à un zombie.
Je décide donc de rester 2 nuits. Je vais au distributeur pour prendre un peu de cash pour payer l’hôtel. Pas de distributeur dans cette ville. Cela veut dire qu’au Tadjikistan, les distributeurs ne fonctionnent qu’à Douchanbé.
Je ne sais pas comment ces gens vivent. Il n’y a rien. Pas de banque, pas de magasins, pas de nourriture, pas d’été. La vie est très dure ici.
Birgit me prête un peu d’argent. Je reste les 2 nuits dans cet hôtel. Je me réjouissais de prendre une douche, il y a a peine l’eau courante, elle est à peine tiède. Mais ça me fait du bien.
Lorsque vient le moment de repartir, je n’ai pas de forces, mais je veux avancer vers le prochain col et vers le Kirghizistan.
Je repars avec Birgit et Tobias. Il est 11h quand nous décollons. Je me dis que peut-être ça sera bien de partager la route avec eux. Il y a 75 km jusqu’au prochain col, l’Okbadal.
C’est le plus haut, il est à 4655m. En partant, je pense que maintenant je suis habituée à l’altitude et que ça ira mieux que le premier col.

Notre plan est de faire les 55 premiers km, de dormir à 20km du col et de monter le lendemain matin. Nous avançons plutôt bien et faisons les 40 premiers kilomètres en peu de temps. Nous faisons beaucoup de pause, nous profitons. A environ 16h, nous sommes à 28km du sommet. Le vent se lève. Il se lève fort. Je fais 2km en 30 minutes. Je préfère m’arrêter, dormir, et continuer demain matin sans vent. Birgit et Tobias ont continué à avancer. Je les retrouverai plus tard.
Je plante ma tente avant que le soleil ne se couche pour qu’elle soit chaude. Et je la plante de façon à ce qu’elle ait le soleil à la première heure le lendemain matin. Je me fais un sachet de nouilles chinoise et je vais me coucher. Je n’ai pas froid. Je dors
mieux.

Lorsque je me lève, je prends mon temps. Il me reste environ 25km jusqu’au col. Les 3 derniers kilomètres sont très raides mais les 22 premiers sont faciles.
Je pars vers 9h, je fais les 21 premiers km en 1h30. J’ai monté, je le sens. Je suis plus lente et j’ai la tête qui commence à tourner. Je fais le prochain km en 20 minutes. Il en reste 3. Je regarde mon GPS. Je clique sur « itinéraire à vélo ». Il me dit 3km = 16 minutes.
Il est 11h. Il me reste 3km et presque 300m de dénivelé. Je m’arrête, je m’allonge, c’est la seule position dans laquelle je me sens bien.
Mon cerveau et mon corps ne peuvent pas fonctionner en même temps. Quand je me lève, je ne pense plus, tout est flou. Quand je m’allonge, je me dis « en fait, ça va! » mais dès que je me relève, le cauchemar recommence. Je reste allongée 1 heure. Je sais que des locaux viennent me voir. Une voiture s’arrête, je lui dis que je ne veux pas d’aide.
Je repars à midi. 3 KILOMÈTRES. Je serai en haut dans 1 heure. 3 PUTAIN DE KILOMÈTRES. Je ne me rappelle pas trop. Je sais que je me mets dans une routine. Je pense que j’était à peu près dans cet état là :

 

Sauf que je n’ai pas vu la vierge.
20 pas – 20 respirations.
Je m’assoie toutes les 3 grosses pierres.
Après chaque 20 pas, je suis à bout de souffle.
3h30 plus tard, je suis en haut.

Tout ce que je sais c’est que je suis en haut à 15h30. C’est tout. Je n’ai pas de souvenir.
Je sais que j’ai pris des photos car j’ai envie de me rappeler. Mais je ne sais pas ce que j’ai fait de ces 3h30. J’ai fait 3 kilomètres, c’est sur. Il y avait des motards. Un monsieur m’a aidé à pousser mon vélo. C’est vague.

J’arrive en haut. Je m’allonge. Je pleure. Je reste là allongée 30 minutes de plus. Il est 16h. Il faut que je redescende, je ne peux pas dormir en haut. Je remonte sur mon vélo et je fais 9km de plus. J’arrive 400 mètres plus bas. Ça va mieux. Je pose ma tente dans au bord d’un ruisseau, AU SOLEIL. Je fais mes nouilles et je me mets au chaud. Je suis exténuée. La nuit tombe.
Je me demande encore où est passée cette journée. Ça me fait peur.
Je me met au lit avec un film. J’entends une voix :
« Hello! ».
Je ne bouge pas.
De nouveau : « Hellooooo! ».
Je sors la tête de la tente, je n’ai pas mes lunettes. Je vois un vélo. On se parle comme si on ne se connaissait pas. Il me dit en anglais qu’il y a une maison d’hôtes (sans eau ni éléctricité) à 4 km. Nan ça va je vais rester là. Je sors mon corps entier de la tente et je m’approche de lui. « Jamie?! » ; « Celine is that you?! » Il n’a pas ses lunettes non plus. Il arrive au moment où j’ai le plus besoin de voir quelqu’un! Caliiiinnnnn!
Il déscend de son vélo et décide de planter sa tente à côté. Il a souffert aussi là-haut. C’est la loterie l’altitude. Jamie est le plus sportif de nous tous. Il a mis autant de temps que moi à monter ces 3 putain de km. Pour Birgit et Tobias, je l’apprendrai plus tard, ils ont mis une éternité pour le premier col, mais celui-ci c’était facile. Aminda a souffert mais pas Viktor qui fume 1 paquet de cigarettes par jour. Les anglais ont monté sans problème. Bref, on réagit tous différemment.

Je ne dors pas cette nuit la. J’en suis à ce point que je suis si fatiguée que je ne dors pas. Cela fait 2 semaines que je prends des antidouleurs la journée. Du coup, le soir les douleurs se réveillent. Tous les matins, en me levant, je prends un Nurofen, j’attends une demi-heure que ça fasse effet et je pars. J’en reprends un au déjeuner et un dans l’après-midi. Sinon j’ai mal au genou, à la tête, à l’arrière de la cuisse et au ventre.

Nous nous levons, Jamie est lent le matin, comme moi! On prend notre temps. Nous y sommes presque. 2 jours et nous serons au Kirghizstan!

Nous démarrons, il va plus vite que moi mais il m’attend régulièrement. Normalement, je lui aurai dit de ne pas m’attendre. Mais là, j’ai besoin de sa présence. C’est cool. Il nous reste une dizaine de kilomètres avant de retrouver l’asphalte et une cinquantaine avant la prochaine ville. La matinée est dure. A peine retrouvons-nous le goudron que le vent de face se lève. J’en ai marre. Je n’ai plus envie. Puis ce sont les montées de nouveau.
J’avance sans vraiment réfléchir.
Je n’ai pas regardé le plan ce matin. Je suis Jamie. Nous avons fait 25 kilomètres quand tout cela change.
Nous arrivons sur une ligne droite. Le vent tourne, il me pousse. Nous arrivons à un virage. J’aperçois du bleu au loin. C’est le lac, le plus beau lac que je n’ai jamais vu. Nous sommes arrivé à Karakul. Le paysage est a couper le souffle. Nous nous arrêtons pour faire quelques photos. Nous profitons du soleil.
Je pleure de bonheur. La voilà ma récompense. Je la mérite. Merci univers. Merci beaucoup.

Nous nous rapprochons de la ville. Karakul. Encore une de ces villes mortes. Avec Jamie, nous avons décidé de nous offrir un déjeuner. Nous allons demander à la maisons d’hôte de la ville. 15$ pour la bouffe et la nuit. Non merci. Il y a un café. Nous nous y rendons.
Nous déjeunons des patates, et une soupe de patates. Un délice.

Nous repartons pour chercher un endroit où camper. Le vent s’est levé. il reste encore 2 cols à plus de 4000m et 30km avant la frontière. le plan est le même : camper au pied de la montée et se lever tôt pour y arriver pour le déjeuner.
Il y a tellement de vent que nous plantons les tentes une par une pour éviter qu’elles nes’envolent.
Nous dinons. Nos téléphones captent de nouveaux et nous prenons des nouvelles des autres.
Birgit à fait du stop d’ici jusqu’à la frontière. Ils sont avec Tobias et les anglais au Kirghizstan. Je dis à Jamie que peut-être je fais faire du stop moi aussi. Un cycliste s’arrête, il va dans la direction opposée. Je lui parle un peu. Il me dit qu’il a croisé 3 cyclistes aujourd’hui et qu’ils lui ont dit que c’était la pire journée depuis leur départ.
Gravier, washboards, vent. Par contre il y a de l’eau en haut. Nous nous couchons, je ne dors encore pas. Je sors de ma tente, je profite du ciel étoilé.
Quand nous nous levons, ma décision est prise, je vais attendre une voiture. Ce matin là, pour la première fois depuis mon départ, je ne me lave pas les dents. Pas de douches – OK, mais les dents, c’es important! Mais je n’ai pas le courage de chercher ma brosse à dent.
Jamie décolle vers 8h.
Des voitures passent mais elles sont pleines. Vers 10h, je perds espoir et je décide de monter sur mon vélo. Je fais une dizaine de kilomètres, je souffre. Je n’ai plus d’anti-douleur. Je comprends maintenant pourquoi je suis si lente.
Les antidouleurs, c’est cool, ça permet de ne pas sentir la douleur. Mais mon corps souffre. Beaucoup. J’ai mal partout. Je m’allonge encore une fois au milieu de la route et je crie de toutes mes forces. Ça y est, ça suffit. Je reste là. Je pense camper là une nuit de plus pour reprendre des forces.
Je pense que je suis allée au delà de mes limites. Tout le monde le sais, c’est 90% de mental. Mon cerveau m’a amené jusqu’ici et je l’en remercie. Ce n’est pas mon corps qui a fait le travail, c’est ma tête. Mais là, mon corps dit stop. Et il a raison.
Une voiture arrive. Une jeune femme en sort. Comme mille fois depuis que je suis entrée dans ce pays, elle me demande : « do you need help? ». Et pour la première fois,  je baisse la tête, et je réponds que oui, j’ai besoin d’aide. Je suis épuisée. Je ne peux plus. Je n’y arrive plus. Oui, j’ai besoin d’aide. Merci de vous être arrêtés. La voiture est pleine mais il y a un militaire qui me laisse sa place pour monter dans la prochaine voiture. Il me proposent de m’emmener jusqu’à Osh, je dis oui.
Sur la route, je leur demande de s’arrêter s’ils voient un cycliste avec un vélo rouge et un chapeau de cowboy, c’est Jamie. Je lui souhaite bon courage. il me dit que j’ai bien fait de prendre une voiture.
Nous sommes 5 dans la voiture. Il y a cette jeune femme et un ami qui viennent du Brésil. Aziza qui est Kirghize et qui transporte des masses de billets dans son sac à main. Et Omar qui est Tadjik.
20 kilomètres nous séparent de la frontière. Nous y sommes rapidement. Il y a une zone de quelques kilomètres qui n’appartient à aucun pays entre les 2 frontières. Le no man’s land. Lorsque nous quittons le Tadjikistan pour y entrer, Aziza dit « bye bye Tadjikistan! Welcome to Kirghizistan! ».
Je fond en larmes.
Nous arrivons à Osh vers 20h. Je dis au chauffeur que je veux aller au Tes Hostel. Il me dépose devant un meilleur hôtel. Il me dit que j’ai besoin de me reposer et que ce sera mieux ici pour moi. Je vais quand même au Tes. Quand j’arrive, je retrouve Carlos et Miguel. Groooooooos calin!
Carlos est dans le même état que moi. Dévasté.
Je demande une chambre. J’entre. Une douche. Je fais couler l’eau. De la pression. De l’eau chaude. Il y a un grand miroir dans la salle de bain. J’ai perdu beaucoup de poids. J’ai le visage brûlé. Je ne me reconnait pas.
Je me commande une pizza. Je me couche dans des draps propres.
Le lendemain, je vais au supermarché. Les étales sont pleines de nourriture. J’achète de la nourriture. Mais ce n’est plus un geste anodin. Aller dans un magasin et y trouver de quoi me nourrir. Le quotidien. C’est normal. Je me rappelle très bien. Je vais faire les courses. Je fais ma liste, je vais au magasin, je choisis, je paye et je sors. En fait non. Pas pour tout le monde.

Je suis heureuse de retrouver la civilisation.
Carlos et Miguel décident de rester un jour de plus que prévu. Ils n’ont plus envie de faire du vélo. Ils repartent mais sans motivation.
Les autres cyclistes arrivent peu à peu. Aminda et Viktor n’ont plus envie non plus. Ils prennent un vol pour les 800 prochain kilomètres. Nous recevons une photos de Miguel et Carlos, ils ont fini par faire du stop.
Les autres cyclistes arrivent peu à peu, tous aussi fatigués. Certain repartent tout de suite, la plupart restent 4/5 nuits. Je repars demain après une semaine de repos. Ça me parait énorme mais écrivant cet article, j’ai encore les larmes aux yeux.

Je ne sais pas ce que je vais tirer de cette expérience. Je suis contente d’y être arrivée,
d’avoir monté ces cols. J’ai parcouru environ 900km seule dans les montagnes du Tadjikistan. J’ai monté le col le plus haut. Je me suis levée chaque matin et je suis montée sur mon vélo.

J’ai encore besoin de temps pour digérer. Je l’ai voulu si fort. C’était mon rêve. Et aujourd’hui je ne sais pas encore si j’en suis sortie plus forte ou plus faible.

Je vais repartir sur mon vélo. Au moins essayer. Je ne peux pas aller en Chine car je ne peux pas avoir le visa. Mes amis cyclistes arrivent petit à petit ici, tout le monde se rend à Almaty au Kazakhstan pour prendre un vol. Certains vont à Hong Kong pour essayer d’avoir le visa Chinois là-bas, d’autres vont à Bangkok, d’autres vont passer par l’Inde et le Pakistan.
Après avoir mis plusieurs jours à me décider, je suis revenue au plan initial (moins la Chine). Je prends donc un vol pour Hanoi au Vietnam le 11/10!
Je vais y faire une semaine de vélo jusqu’à Da Nang et je vais y rester pour faire un mois de volontariat. J’ai encore besoin d’un peu de temps pour remonter sur mon vélo.

Milles câlins du Kirghizstan!
A très vite.

19 réflexions sur “Courir (ou pédaler) après son rêve

  1. Quel courage….On ne peut que te respecter pour ta bravoure, et te remercier pour ces magnifiques photos qui ne font que souligner tout ce tu nous décris;
    Prends bien soin de toi,
    Reprends des forces et refais toi une santé….on est impatient de lire la suite de tes aventures;
    Bises de nous 2 😙

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  2. Celine, toute cette souffrance couplée avec du bonheur, je suis émue quand je te lis et j ai pas envie que ça s arrête…Courage tu es une superwoman. Je t embrasse.

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    1. coucou Céline, je viens de lire ton long message ce soir car nous avons parlé de toi cet après midi avec Marie la maman de Prunette et elle m’ a dit que tu avais passée des moments plus que difficiles. à voir ton récit c’est un vrai parcours du combattant ; mais tu as eu les ressources et la volonté de poursuivre ! chapeau melle Céline ; tu es une vraie héroïne des temps modernes !!! tes photos sont magnifiques ; continues quand c’est possible, de nous faire voyager…on est tous un petit peu avec toi dans tes bagages et on t’envoie nos meilleures ondes, et notre énergie. bisettes et calins salés de Royan. Patou

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  3. Que dire… whaooo… j’adore… quel courage… tu y arriveras et bravo à toi … tu as déjà fais beaucoup et tu peux être mille fois fière de toi…
    Je t’envoie plein de force…
    Bises et prends soin de toi…

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  4. J’ai adoré te lire ma Queen C. et j’ai hâte de connaitre la suite de ton périple !!
    Tu dois en prendre plein les yeux !!! Courage ma belle et je sais que tu ne lâcheras rien!! Reprends des forces et poursuit ton rêve !! Gros bisous

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  5. coucou Céline, le facteur nous a apporté aujourd’hui un petit message sous forme d’une carte postale du Tadjikistan ; merci à toi de nous faire voyager et de penser à nous. plein de bisous salés de l’Atlantique. Patou

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  6. Coucou Celine
    Tu es une force de la nature , quel courage …. car tu passes par des moments bien difficiles , mais tu gardes l’espoir et ton humour où tu me fais bien rigoler avec tes vidéos … je ne sais pas où tu vas pêcher ça !!!!
    C’est rassurant de savoir que tu rencontres des cyclistes qui sont dans la même galère que toi et de se soutenir les uns des autres .
    Je retiens également que tu fais de belles rencontres , les gens n’ont rien mais ils sont prêts à t’accueillir et à t’aider 😊
    Nous te remercions pour ta petite carte , dans cette galère, tu arrives à penser à nous et à nous écrire …. trop fort 💪💪💪
    Jean Michel se joint à moi pour t’envoyer pleins d’ ondes positives et t’encourager à continuer ton aventure 😄
    Gros bisous des voisinous 😉😘😘😘

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  7. Céline, je t’ai lu avidement partagée entre émotion, rires, compassion, admiration. Comment peux tu douter ne pas rentrer changée de cette formidable aventure .? La relation que tu as entretenue avec toi même, avec l’univers, avec tes rencontres va changer ta perception du monde et de toi même. Et ce n’est pas fini. Ton corps va continuer de te parler et il va falloir l’écouter, ton coeur va continuer de s’ouvrir , et tes yeux de s’émerveiller. Et tu n’arrêteras pas de remercier l’univers pour tous ces beaux cadeaux, mais n’oublies pas de te remercier toi d’avoir eu et d’avoir la ténacité de continuer à vivre ton rêve.
    Je t’embrasse tout fort
    Angela

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